Activer le désir chez ceux qui ne sont pas convaincus : les secrets du Motivational Interviewing avec Regis Lemmens par Sarah Ladam
- Anaïs Baumgarten
- 1 août
- 15 min de lecture
Cet article est le transcript et les ressources de l'épisode 56 du podcast Slow Marketing. 🎧 Voici le lien pour écouter l'épisode ! 📮Abonne-toi à la Newsletter pour ne rien louper des prochains épisodes !
“Au lieu d’être face à face, il faut être coude à coude, et regarder ensemble comment interpréter le problème différemment.”
Plonge dans cet épisode captivant de notre mini-série Slow Marketing sur le désir de changer, où Sarah Ladam accueille Régis Lemmens, éminent professeur à la Solvay Brussels School et fondateur de Sales Cubes. En tant qu'expert de l'évolution des pratiques commerciales, Régis nous révèle comment la relation client peut se transformer en un puissant levier de changement durable.
🎯 Quel est l'objectif de cet épisode ? Il s'agit de découvrir comment susciter un désir de changement là où il semble inexistant. Comment éveiller l'intérêt de ceux qui restent indifférents, mal informés, ou peu sensibles à ces enjeux cruciaux ? Et surtout, comment éviter les confrontations directes en privilégiant un dialogue co-créatif et constructif ?
💬 Dans cet épisode, tu apprendras :
Si cela vaut vraiment la peine de convaincre les plus réfractaires
Les erreurs à ne pas commettre lorsqu'on cherche à influencer les opinions
L'art d'exploiter les dynamiques de groupe, l'effet d'entraînement, et les témoignages pour changer les perceptions
Comment le prix influence la perception de la valeur d'une offre durable, et les stratégies pour surmonter cet obstacle
Et fondamentalement : Comment faire évoluer les croyances plutôt que de s'affronter sur des opinions
🎧 Cet épisode est un incontournable pour toutes celles et ceux qui souhaitent provoquer le changement sans confrontation, en misant sur la co-construction, l'écoute active, et une posture stratégique réfléchie dans leur communication.
🦖
Les ressources
Guien, J. (2021). Le consumérisme à travers ses objets. Gobelets, vitrines, mouchoirs, smartphones et déodorants. Divergences
Guien, J. (2025). Le désir de nouveautés. L’obsolescence au cœur du capitalisme (XVe‑XXIe siècle).
La Découverte Monsaingeon, B. (2017). Homo detritus. Critique de la société du déchet. Seuil (collection Anthropocène)
Le transcript
Merci à mon partenaire Scrybecast qui m'aide à générer des transcripts de qualité !
Introduction par Sarah Ladam
Aujourd'hui, nous ouvrons un chapitre essentiel de la transition, celui des résistances. Nous allons nous demander comment faire évoluer les perceptions de ceux qui ne sont pas sensibles, pas informés ou pas intéressés. Comment enclencher un désir de changement là où, à première vue, il n'y en a pas et finalement, doit-on vraiment convaincre ? Pour en discuter, j'ai invité Regis Lemmens, professeur à la Solvay Business School et fondateur de Sales Cubes. Il travaille sur l'évolution des approches commerciales dans un monde en transition et sur la manière dont elles peuvent devenir des vecteurs d'impact. Nous allons tenter de comprendre comment construire un dialogue avec les plus réticents, sans imposer, sans forcer, mais en activant d'autres leviers que ceux de la simple rationalité. Mais d'abord, Régis, est-ce que vous pouvez vous présenter et nous dire ce qui vous a amené à explorer ce lien entre la relation client, le changement et la transformation durable ?
Présentation de Regis Lemmens
Regis Lemmens : Merci bien, bonjour. Alors, qu'est-ce qui m'a amené là ? Il y a environ presque 20 ans, quand je faisais de la recherche au niveau de la vente, on voyait que l'Internet était arrivé et que les gens n'avaient plus besoin de vendeurs pour acheter un produit, ils savaient l'acheter eux-mêmes, et donc ça amenait la question, ça soulevait la question, disons-le comme ça, quelle est la valeur ajoutée qu'un vendeur peut encore avoir pour un client ? Et donc toute cette recherche nous a amené à un moment donné à dire qu'en fait, au lieu de vendre un produit, de persuader un client d'acheter un produit, on va devoir aller beaucoup plus vers ce que nous appelons la co-création. C'est ensemble avec le client essayer de co-créer, d'innover des nouveaux produits, des nouvelles utilisations de produits, et aider les clients à changer, changer son comportement, changer son business. C'est du B2B. Et donc comme ça nous sommes arrivés en fait beaucoup plus d'évoluer de la persuasion vers le changement, le changement de comportement.
Peut-on convaincre ceux qui sont réfractaires à la durabilité ?
Sarah : Et donc, en fait, quand je t'écoute, je ne peux pas m'empêcher de me demander si finalement, évoluer comme ça et discuter fait que c'est vraiment possible et utile de convaincre ceux qui sont totalement réfractaires quand on parle de durabilité. Parce que finalement, quand on engage un dialogue comme ça, c'est pas pour autant qu'on arrive à les convaincre.
Regis : C'est un sujet qui, avec le Covid, est devenu ultra important, c'est de savoir comment est-ce qu'on peut persuader quelqu'un qui a des fortes opinions. On a tous été face à des dîners où il y avait des gens qui étaient pour, on va dire, le masque, le port du masque, et d'autres qui étaient contre le port du masque. Et je crois qu'on a aussi tous vu que ces discussions, ces dîners, ne menaient pas à grand-chose. Il n'y a personne qui était persuadé de l'opinion des autres. D'ailleurs, la recherche a même montré qu'on était plus persuadé de sa propre opinion à la fin qu'autre chose. Et donc ça nous a amené quand même très fortement à commencer à réfléchir et à comprendre qu'est-ce qui fait que quelqu'un peut, même s'il a des croyances très profondes, changer ses croyances. Pour moi c'est un domaine fascinant parce que quelque part, moi je viens de la vente, on doit essayer avec la co-création de convaincre quelqu'un de changer de stratégie. Voilà, et là aussi en fait c'est pas des opinions, c'est pas des préférences, je préfère ce produit-là pour un autre, je vais essayer de persuader de changer tes préférences. Il s'agit vraiment de croyances, comment tu vois les choses, comment tu interprètes les choses et ce que tu crois être vrai. Et donc on s'est fortement intéressé à tout ça les dernières années, de comprendre comment est-ce qu'on peut changer les croyances d'autres. La bonne nouvelle, c'est que c'est possible et c'est en fait quelque chose qui avait déjà été très fortement étudié. Surtout pendant les années 90, où là-haut, plusieurs thérapeutes ont développé ce qu'on appelle une méthodologie qui s'appelle Motivational Interviewing. Et qui est une méthodologie utilisée à aider des gens qui ont des addictions, comme la boisson ou fumer. Comment est-ce qu'on peut les aider à changer de comportement et changer leur croyance en fait. Et c'est là, c'est fascinant de voir comment c'est possible. Et ce qui a été très intéressant de voir, c'est aussi de voir comment ça a été utilisé aujourd'hui dans la politique. Et juste petite allusion, dans les années 2000, en 2010, en Californie, il y avait une loi qui devait passer pour l'autorisation de mariage pour toute la communauté LGBTQ. Et ils n'arrivaient pas à faire passer cette loi. Et donc il fallait convaincre les gens de changer d'opinion et d'aller voter. Et bien ils ont utilisé en fait, ils ont fait du porte-à-porte, il y a eu une association qui s'est spécialisée en fait à utiliser cette technique pour faire du porte-à-porte et essayer de convaincre des gens qui sont anti-mariage pour les LGBTQ, de les convaincre de quand même être pour et d'aller voter pour. Alors, ça est devenu un projet de recherche et les publications ont montré qu'ils ont réussi à convaincre environ 35% des gens. Ça ne veut pas dire que quelqu'un qui était anti était complètement pour, mais changer graduellement la direction de leurs opinions. Et ça a été suffisamment que la loi est passée. Et ça s'appelle deep canvassing. Pour moi, c'était fascinant d'étudier ça. C'était de commencer à voir qu'en fait, des méthodologies qui viennent de la thérapie peuvent être appliquées dans la politique pour faire des changements d'opinion. Et nous sommes allés voir comment est-ce qu'on peut utiliser ça pour la durabilité et pour d'autres changements de stratégie. Et nous, moi j'appelle ça en fait les dialogues stratégiques où on va avec un client utiliser ces mêmes approches pour les aider à remettre en question leur propre croyance et les aider à changer leur croyance et aller dans une certaine direction comme la durabilité.
Qu'est-ce que le Motivational Interviewing ?
Sarah : Et tu peux nous en dire plus, justement, sur ce Motivational Interview ? Est-ce que tu peux nous expliquer concrètement à quoi ça correspond ? Parce que c'est fascinant.
Regis : Alors, il y a quelques outils. Je vais partager un qui est peut-être le plus connu, qui est ce qu'on appelle le Scaling Question en anglais, la question à échelle, si je peux permettre. Et en fait, la question, elle est la suivante. C'est, tu demandes à un client, par exemple, que tu interviews, au niveau de la durabilité, dites-moi un peu sur une échelle de 0 à 10, au niveau de la durabilité, où est-ce que vous vous positionneriez vous ? 0, je suis complètement contre, 10, je suis complètement pour. Vous allez voir, parce qu'on l'a fait avec plusieurs sociétés, et ce qu'on a vu, c'est que le bon belge, il va dire, je prends 5, si je suis pour, il va donner un score 7-8, si je suis contre, 3-4. Et en fait l'idée c'est, une fois qu'il a donné son score, disons 3-4, c'est de poser la question pourquoi pas un 0, pourquoi pas un 1 ? Et c'est assez surprenant parce que maintenant tu obliges en fait l'autre personne qui n'est pas croyante de quand même se justifier pourquoi pas un 0 ou un 1. Et ce que tu l'aides c'est qu'il va commencer à se justifier à lui-même en fait. Et donc, les gens vont dire, oui mais non, j'ai quand même mis des panneaux solaires parce que c'était intéressant fiscalement, j'ai une voiture électrique, voilà. Donc, vous n'êtes pas entièrement contre. Ce que tu commences à avoir là, c'est ce qu'on va appeler la dissonance cognitive, où la personne va comprendre, tout doucement, par elle-même, tu ne dois rien faire, que quelque part, elle n'est pas tout à fait entièrement consistante avec ses propres croyances. Et c'est là que le doute s'installe, et quand vous avez le doute, on a l'opportunité de changer. Et alors vient la troisième question, c'est, tiens, vous avez dit 3-4, qu'est-ce qu'il devrait changer pour que vous disiez 6 ou 7 ? Et donc là de nouveau, tu fais parler la personne dans la direction du changement. Et ça s'appelle en fait Change Talk. Tu fais parler la personne dans la bonne direction. Et j'explique ça à mes étudiants de la façon suivante. Je dis en fait, quand tu demandes aux gens qu'est-ce qui est important pour vous, il y a des choses qui sont fondamentalement importantes comme mon mariage, mes enfants et d'autres. Mais plein d'autres choses sont moins claires. Et on définit qu'elles sont importantes dépendant de comment on parle de ces choses-là. Et donc, je donnais comme exemple la dernière fois à mes étudiants, je dis, ben voilà, si je vous demande de me donner un exemple où vous n'avez pas trié vos déchets, et de me raconter cet exemple-là, tiens, mais pourquoi vous ne l'avez pas fait ? Qu'est-ce qu'il y a ? Et ça vous arrive quand même de le faire, comme, ben oui, ça m'arrive de ne pas trier mes déchets. Ah oui, et donc la durabilité c'est important pour vous ? La personne va sans doute dire, je croyais que oui, mais maintenant que je vois que mon comportement n'est pas si durable, peut-être pas tellement. Voilà. Maintenant, je peux faire exactement ce même dialogue avec quelqu'un en lui demandant, est-ce que vous essayez tout le temps de trier vos objets, vos déchets ? Oui. Ah, mais comment est-ce que vous... Que faites-vous pour être consistant de condamner le monde ? Et alors, il va commencer à parler dans la direction, et puis je lui demande la question, est-ce que vous êtes donc... Est-ce que c'est important pour vous ? La personne va dire oui c'est important pour moi parce que je viens de le dire que c'est ce que je fais et donc c'est intéressant de voir de comment tu fais parler quelqu'un de quelque chose va aussi l'aider à cette personne même de comprendre est-ce que c'est important ou pas c'est ça cette idée de change talk fait parler la personne dans la direction du changement et elle-même va s'auto-persuader en oui.
Les pièges à éviter dans la persuasion
Sarah : Fait c'est important pour moi. Super intéressant. Et moi, j'aime bien prendre toujours un peu les choses à contrario pour bien comprendre ce qu'on peut faire. Quels sont du coup pour toi les pièges à éviter ? Et justement, ce qu'il faudrait vraiment pas faire ?
Regis : Eh bien, il ne faut vraiment pas faire, c'est rentrer dans le débat. Et donc d'avoir une autre opinion que l'autre et commencer à argumenter. Et j'aime bien, on va utiliser le mot raisonner. En anglais, quand je donne cours à ce sujet, je dis le mot reasoning, c'est un peu reason, c'est se justifier. Le problème, c'est quand tu attaques les opinions d'un autre, il va se justifier et donc il va s'enliser dans sa position et tu vas aller nulle part. Pire, tu aides en fait l'autre personne à être encore plus convaincue de ses propres croyances, qui est exactement l'inverse. Et donc pense à change talk, pense à ça, comment est-ce que je peux amener la conversation que l'autre parle dans la direction du changement et pas dans l'autre direction, qui est exactement ce que tu veux éviter.
Utiliser les dynamiques de groupe et le storytelling
Sarah : Oui, donc c'est super intéressant cette balance entre finalement passer de... on échange des opinions sur... on travaille sur la croyance en fait. C'est sûrement de ça qu'il s'agit. Ça m'amène une autre question qui est vraiment cette question du poids des normes sociales, qui est, on le sait, un levier très puissant, notamment via l'effet d'entraînement, l'influence des leaders d'opinion, etc. Comment est-ce qu'on pourrait utiliser ces dynamiques de groupe ou la preuve sociale pour créer un effet d'adhésion autour des solutions durables ? Dans quelles mesures ? On va parler de storytelling ou de témoignages ou de cas concrets. Comment tout ça, finalement, ça peut aider vraiment à convaincre les personnes sceptiques ? Est-ce que tu as des exemples à nous partager ?
Regis : Oui, alors les groupements sociaux souvent sont négatifs en fait pour le changement, parce que les gens adhèrent à une certaine croyance, à un certain groupe, et même s'ils se mettent à douter, comme ils font partie d'un certain groupe, ils ne veulent pas quitter ce groupe. Donc tout ce qui est group thinking pour moi est un danger. Par contre, le storytelling, là, a une énorme valeur. Imaginez-vous la conversation suivante. Vous demandez à votre client « Où est-ce que vous vous positionnez de 0 à 10 ? Pourquoi pas 0 à 1 ? Qu'est-ce qu'il faudrait changer pour un 6 ? » Et la prochaine étape, en fait, sont trois questions au niveau storytelling. C'est de lui demander « Tiens, mais racontez-moi un peu vos clients à vous. Est-ce qu'il y a des clients qui font déjà des choses en durabilité ? Qu'est-ce que vous voyez qu'eux, ils font ? » Et vous leur demandez de raconter l'histoire. Puis je dis, peut-être pas des clients, peut-être des concurrents. Qu'est-ce que vous voyez vos concurrents faire ? Qu'est-ce que vous voyez vos fournisseurs faire ? L'idée, en fait, c'est de faire parler l'autre personne, qui raconte des histoires d'autres. Et c'est là qu'il y a un énorme pouvoir, parce que des histoires nous amènent outre nos résistances. Et donc l'exemple que je donne souvent à mes étudiants, c'est quand tu regardes la série Narcos et que tu regardes la première saison, c'est Pablo Escobar. Cette personne, est à l'opposé de tes valeurs. Et pourtant, quand tu regardes la saison, tu vas te retrouver à un moment donné à empathier avec cette personne et vouloir qu'elle échappe la police, vouloir qu'elle survie. Mais cette personne est complètement contre tout ce que toi tu valorises et pourtant tu le fais, tu le ressens. Pourquoi ? Parce que des histoires nous amènent outre nos résistances. Et donc si on peut amener des histoires, des exemples avec nos clients et on peut en partager, ça nous permet aux autres de se projeter. Se projeter là où normalement ils ne voudraient pas aller et donc adhérer à nos idées.
La dimension prix dans les offres durables
Sarah : Il y a un élément en tout cas moi qui me semble aussi intéressant parce que finalement dans les discussions que j'ai moi de mon côté c'est souvent qu'un élément qui revient c'est vraiment cette dimension prix dans les offres durables qui parfois malheureusement peuvent ne pas être extrêmement compétitive en termes de données prix. Est-ce qu'il y a des stratégies tarifaires qui existent, des incitations qui peuvent aider à rendre une offre plus attrayante, une offre durable plus attrayante ? Est-ce que cette donnée prix est vraiment quelque chose qu'on peut aussi travailler de manière à ce qu'elle ait cet effet plutôt positif ?
Regis : Alors, il existe en marketing plein de théories au niveau du prix et du comment on positionne un prix pour qu'il soit perçu, même si tu ne le changes pas, mais perçu plus favorable. Ça a même un nom, ça s'appelle pricing cues. Par exemple, on dit voilà, il était à 200 euros et maintenant ce pull est à 100 euros. S'il était à 200 euros, on ne sait pas, mais ça c'est de l'ancrage. Donc, quelque part, tu influences comment le prix est vu. Maintenant revenons un peu à la durabilité. Ce que moi j'ai vu sur certains projets sur lesquels on a travaillé, en fait, c'est que le prix était amené comme une résistance, mais aussi souvent en fait c'est le temps. On n'a pas le temps aujourd'hui de s'investir dans ce genre de choses-là. et l'argument de base que nous avons utilisé en fait avec les clients c'était de dire mais écoutez je comprends mais quelque part nous sommes face à une législation si même si cette législation nous a donné un peu plus de temps maintenant elle va arriver elle va arriver et quelque part nous allons devoir évoluer vers cette législation et ce qu'on veut éviter c'est de devoir faire une révolution en dernière minute parce qu'une fois la loi est là on a un problème et de commencer à temps. Et donc l'argument de base c'est de dire essayez d'aller vers une évolution et non pas une révolution. Et au plus tôt vous commencez, au plus vous savez planifier les choses et au plus vous savez gérer ça mieux. Ceux qui vont attendre trop longtemps risquent d'avoir des sérieux problèmes où ils vont devoir rattraper un temps perdu. Et en travaillant avec plusieurs banques sur cet argumentaire-là, il y a un élément qui revient à chaque fois, c'est que certains gros clients vont une fois avoir des demandes reporting au niveau CSRD et d'autres, et que si vous ne savez pas y répondre et que vous n'avez pas le temps de vous adapter, vous risquez de perdre des clients. Et donc un argumentaire qui est réellement utilisé, c'est de dire il va y avoir une répartition des parts de marché dans différents secteurs et ceci pourrait vous aider à quelque chose où une part de marché est bien définie mais à les remettre en cause et si vous commencez tôt, vous allez peut-être avoir des avantages. Ça c'est un argumentaire qui est utilisé aujourd'hui pour la durabilité.
Le levier clé pour les communicants et marketeurs
Sarah : Merci beaucoup et j'ai une question plus concrète qui concerne évidemment les gens qui nous écoutent, donc les communicants, les marketeers. Finalement, en tant que communicant marketeer, si tu devais nous conseiller vraiment le levier clé, la chose à faire pour faire évoluer la perception de ceux qui ne sont pas convaincus, donc finalement un peu pour faire un résumé de tout ce que tu viens de partager. Par quoi est-ce qu'il faudrait commencer et ce serait quoi finalement ce levier ou ces tips que tu peux nous donner ?
Regis : Eh bien, remontons dans le temps. On a ce dîner, fameux dîner, où il y avait deux personnes qui, en une fois, rentrent dans une argumentation sur, pour ou contre, le vaccin ou le masque ou peu importe. Et en fait, qu'est-ce qui aurait pu faire que cette conversation soit positive ? C'est au lieu d'être, ce que j'appelle avec mes étudiants, face à face, et chacun a ses arguments et on va en bataille, il n'y a personne qui va gagner. Essayons beaucoup plus de faire du coude à coude. Mettons-nous ensemble et regardons comment chacun voit les faits et pourquoi toi tu les interprètes de cette façon et pourquoi est-ce que moi je les interprète de cette façon. Essayez de comprendre les interprétations de chacun. Ceci va nous amener à une situation où tu peux arriver dans un dialogue, où les gens ne se sentent pas attaqués sur leurs croyances, au contraire, on essaie de comprendre, mais ils doivent aussi essayer de comprendre les nôtres. Et en faisant ça, il y a réellement une opportunité de changer des opinions et des croyances. Donc c'est vraiment, n'allez pas dans l'argumentation, on est coude à coude, regardons ensemble comment on interprète les faits, et regardons ensemble, tiens, comment est-ce qu'on peut les interpréter ensemble différemment.
Conclusion
Sarah : Merci, Régis, pour cet échange super riche. Moi, ce que je retiens, c'est qu'il ne s'agit pas tant de convaincre à tout prix, mais surtout de créer les conditions d'un dialogue fertile. C'est super, super chouette, super intéressant. Ma question de conclusion sera un peu comme dans tous les épisodes. Si je te dis slow marketing, à quoi tu penses ?
Regis : Je pense à Zara qui fait des collections toutes les X semaines et je pense à Slow Marketing, c'est-à-dire d'essayer de convaincre le consommateur de ne pas l'inciter à la consommation de façon aussi intense. Mais je pense alors aussi à un autre débat qui est le débat naturellement de la moralité ? Est-ce que c'est au marketing à faire de la morale et avoir un jugement moral ? Ou est-ce que c'est quelque chose qui doit plus venir au niveau de la société ? Voilà, et pour moi c'est toujours le problème, c'est que si c'est le marketing, parce qu'on a ici aussi, j'ai eu quelques clients où une banque, j'ai posé la question, est-ce que Est-ce que nous sommes dans une situation légitime d'aller faire la morale à nos clients au niveau de la durabilité ? Et en fait, la réponse à chaque fois qu'on a posé la question, c'est quand on a discuté. En fait, non. Et ça veut dire que la morale ne doit pas être là, mais elle ne doit peut-être pas venir du marketing, elle doit venir de notre société, de notre politique, de nos leaders. C'est eux qui doivent amener et le marketing doit en fait suivre la direction de la société dans laquelle elle fonctionne. Mais ce n'est pas au marketing à faire la moralité. Ça, c'est mon point de vue personnel.
Sarah : En tout cas, c'est ce qu'on essaie de faire, c'est justement suivre cette mouvance en tant que marketeers et savoir comment on peut adapter nos propres pratiques. Un grand merci, Régis, d'avoir répondu à toutes mes questions et à bientôt.